"Epic Fail" [Avelina!]

Le soleil brillait encore dans le ciel quand Satine sortit de chez elle. Nous étions samedi, en fin d'après midi, et l'air était doux pour la saison. La jeune femme se dirigea vers sa voiture et prit le volant, dans un élan de bonne humeur, elle alluma la radio et chantonna, le son des basses et de la batterie envahissant agréablement l'habitacle. La route était courte jusqu'au Grill mais elle prit son temps. Elle avait donné rendez-vous à un ami d'enfance, qui malheureusement avait la particularité de poser beaucoup de lapins. Satine se gara avec détermination et sortit de la voiture, cherchant des yeux Jared, cette tête de nœud qui avait bien intérêt à venir, et à l'heure. Bien entendu, il n'était pas encore là. Elle appuya sur la clef de la voiture d'un geste négligeant, et le "bouip bouip !" sonore lui répondit, signalant que l'engin était fermé.

Notre petite sorcière, la mine boudeuse, poussa la porte du Grill et entra dans la salle où quelques lycéens s'agitaient, tels des gamins que le week-end enchantait. Satine alla tout droit vers le bar, et refusant pour l'instant de prendre une table toute seule, s'installa face au barman. Ses yeux parcoururent avec espoir les environs mais elle s'en désintéressa bien vite et demanda un café. Une fois son trophée brûlant en main, la jeune femme se résigna en soupirant à s'installer à une table, non loin du bar. Par ce temps, les jeunes préféraient le lac, la preuve, le Grill n'était pas si bondé que cela. Satine fixa sa tasse comme si la seule compagnie d'un bout de vaisselle empli de caféine était insultante.

Décidant de repasser à l'une de ses occupations favorites, elle observa avec attention les adolescents du Grill. C'était si facile de lire les relations et les hiérarchies au sein des groupes les plus classiques... Les dominants, les dominés, les autonomes, et les souffre-douleur. Ces derniers n'étaient manifestement pas stupides au point de suivre leurs bourreaux partout, Satine n'aperçut aucun individu de ce type. Étant elle-même plutôt du genre autonome et observant la société comme un scientifique avec ses rats de laboratoire, la petite sorcière adorait jouer les sociologues et se moquer de toutes ces conventions américaines. Conventions auxquelles elle se pliait pourtant par bon sens. Elle n'était pas comme ces gens qui se mettaient eux-mêmes en dehors de la société par haine envers le système et qui critiquaient ouvertement, non, Satine jouait double jeu, faisant intégralement partie du système et ricanant de ses congénères petits rats.

Il était étrange de se dire qu'avec des pouvoirs magiques, on arrivait à prendre du recul sur autant de choses. Son regard se porta distraitement sur Avelina, la serveuse, qui revenait au bar après avoir porté une commande. Apparemment elle s'ennuyait ferme, et il y avait de quoi, le Grill se vidait, étrange pour un samedi, mais le soleil y était pour quelque chose, et admettons le, les cuites des mineurs n'étaient pas autorisées dans ce lieu public, c'est pourquoi les lycéens se rameutaient tous au lac...

- Bouh !

Sursautant violemment, Satine perdit le contrôle de ses pensées et son instinct magique prit le dessus. Si sa tasse ne bougea pas d'un poil, le café qu'elle contenait, lui, jaillit vers la figure de Jared. Heureusement, depuis le temps qu'elle l'avait prit, il avait un peu refroidi. La situation n'en resta pas moins gênante. Jared, qui venait de s'asseoir en face d'elle, se tenait immobile, le liquide dégoulinant de son visage, sans comprendre ce qui lui était arrivé.

- Oups, pardon...

Satine prit sa tasse, et avec une moue dépitée, (qui au passage n'avait pas l'air compatible avec ses propres excuses) observa le vide auparavant comblé par la boisson caféinée destinée à SON estomac. Il ne lui restait plus qu'à en commander un autre.

Jetant un furtif coup d'œil aux alentours, les seules personnes qui la regardaient ne semblaient pas avoir vu le principal. Chacun pensait qu'elle avait elle-même jeté son café à la figure de son ami, alors qu'en vérité le café s'y était jeté tout seul, échappant à la vigilance de Satine qui n'avait fait que sursauter et donc déclencher un réflexe surnaturel. Petit dérapage magique. Autant jouer le jeu, et faire semblant. Du moins elle espérait que personne n'ait remarqué...

- ...T'avais qu'à pas être en retard. Vraiment, ça m'a échappé, j'ai pas pu m'en empêcher.

Priant pour que la surprise l'ait empêché de voir l'étrangeté du phénomène, Satine lui tendit un mouchoir, et Jared s'éclipsa en direction des toilettes pendant qu'elle tentait d'effacer toutes les traces ~~du crime~~ de l'incident. Sans non plus parler d'un véritable geyser, elle avait involontairement sali la table et la chaise, et quelques petites taches décoraient le sol du côté où Jared s'était assis quelques instants plus tôt. Ni vu ni connu, elle pouvait les effacer très vite, façon Jedi, mais c'était sans compter la serveuse qui se dirigeait déjà vers elle...

- J'suis désolée... commença Satine.

Mais elle avait beau ne pas vraiment connaître cette serveuse, il lui sembla déceler dans son regard une sorte de méfiance. Avait-elle tout vu ?
Les joues rouges, Satine se rattrapa, improvisant dans l'excuse.

- J'vais nettoyer, c'est juste que ce crétin m'a dit un truc pas très plaisant, et comme je suis impulsive...

Étrangement elle sentit que ce mensonge était inutile. Soit Avelina avait vu la scène façon "pas très clair" et elle était dans la mouise, soit... Satine n'en avait aucune idée. D'ordinaire, même en face d'un phénomène bizarre, le commun des mortels acceptait sans broncher les mensonges qui confortaient dans l'idée que tout était normal. Tangible et réaliste.
Elle prit le torchon que la serveuse lui tendait, résignée à nettoyer son erreur façon 'commun des mortels' justement, quand le contact des doigts d'Avelina lui arracha un nouveau sursaut. Fronçant les sourcils, Satine chassa de son esprit l'image de la pleine lune qui avait envahi son cerveau, incapable de savoir quelle était la raison de cette vision furtive...

« Snif, snif... Je sens le mensonge... »

« Tell me the truth... »

Il y a peu, je me suis installée dans la demeure achetée par mon père. Jolie petite maison, proprette. Un jardin assez grand, trois étages et un rez-de-chaussée, un grenier et une cave, un garage... Que demander de plus ? Une piscine ? Ouais, mais pour l'instant ça me suffit. Il faut déjà que je paie les factures. Et pour cela, rien de mieux qu'un petit job au Mystic Grill. Finissant de me doucher, je regardais l'heure. Dans une demi-heure, je commence mon service. Bon, alors pressons. Enfilons ce jean couleur ocre, avec ce débardeur à bretelles larges et au décolleté carré couleur brune. Des ballerines de même teinte et une veste en cuir de daim plus tard, je suis en train d'attacher ma chevelure d'ébène en une queue de cheval d'où ne s'échappèrent que quelques mèches rebelles pour encadrer mon visage. Je prends mon sac, où j'ai glissé mon portable, et quelques accessoires féminins habituels, et je ferme la porte à clé. Encore vingt minutes. Amplement le temps de rejoindre mon lieu de travail.

Je marche d'un pas rapide, la musique dans les oreilles. J'ai retrouvé mon baladeur de musique au fond de mon sac. Alors, bon, c'est génial ça... Je laisse mon regard dériver sur le décor, au fur et à mesure que je me rapproche du Grill. J'avoue, je suis maladroite encore lorsque j'ai différentes commandes à apporter. Mais je m'en sors plutôt bien étant donné que je n'avais jamais effectué ce genre de job avant. Arrivant au Grill d'ailleurs, je salue de la tête les autres serveurs/barmen/etc... Je me change rapidement, laissant ma veste et mon sac au vestiaire et enfilant le tablier. Les clients arrivent petit à petit. Je servi quelques bières, quelques repas, puis tout se vida à nouveau. Revenant de la table 6, je soupirais. Cette journée allait être mouvementée, c'est fou. Je m'occupe donc en allant nettoyer quelques tables. Pour un Samedi, c'était quand même étonnement calme. Bon, certes, il faisait beau. Certes, les mineurs n'avaient pas le droit à l'alcool. Mais bon, ça ne dispensait pas de prendre un café ou autre. Je sais que moi-m^-m, je n'ai pas le droit de commander de l'alcool ici. Pas encore mes vingt-et-uns étés. Bah, je prend un chocolat hé !

Un cri masculin rompit le silence. Mon regard flotta jusqu'au bruit. Apparemment, la tasse resta immobile. Mais comment expliquer que le café jaillisse hors de la tasse ? En tout les cas, c'est divertissant. Pauvre petit homme. Il doit être encore assez chaud le café en plus... Oh... D'ailleurs... Je vais peut-être devoir aller nettoyer. Bon, allons chercher l'éponge et la bassine. Zou.

M'approchant de la jeune femme dont la tasse était désormais vide, j'esquissais mon plus beau sourire commercial. Celui qui dit « vous en faites pas, c'est rien... ». Mais je sentais quelque chose de pas net là-dedans. J'écoutais ce qu'elle disait, mais je ne sais pas pourquoi, ma nature de louve me soufflait que ça n'était pas la vérité. Souriant toujours, mais mon regard étant soupçonneux, je m'agenouillais et posais la bassine.

~ Laissez, c'est mon travail. ~

Je mouillais l'éponge et commençais à éponger tout ça.

~ Vous voulez un autre café ? ~

J'allais tenter de découvrir pourquoi j'ai cette impression de mensonge. Espérons être discrète, non ? Haha, discrète... Dur...

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